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lunes, 2 de septiembre de 2019

TENN, LE CHIEN QUI TROP AIMAIT

«Robinson n'avait jamais été coquet et il n'aimait pas particulièrement se regarder dans les glaces. Pourtant cela ne lui était pas arrivé depuis si longtemps qu'il fut tout surpris un jour en sortant un miroir d'un des coffres de "La Virginie" de revoir son propre visage. En somme il n'avait pas tellement changé, si ce n'est peut-être que sa barbe avait allongé et que de nombreuses rides nouvelles sillonnaient son visage. Ce qui l'inquiétait tout de même, c'était l'air sérieux qu'il avait, une sorte de tristesse qui ne le quittait jamais. Il essaya de sourire. Là, il éprouva comme un choc en s'apercevant qu'il n'y arrivait pas. Il avait beau se forcer, essayer à tout prix de plisser ses yeux et de relever les bords de sa bouche, impossible, il ne savait plus sourire.Il avait l'impression maintenant d'avoir une figure en bois, un masque immobil, figé dans une expression maussade. A force de réfléchir, il finit par comprendre ce qui lui arrivait. C'était parce qu'il était seul. Depuis trop longtemps il n'avait  personne à qui sourire, et il ne savait plus; quand il voulait sourire, ses muscles ne lui obéissaient pas. Et il continuait à se regarder d'un air dur et sévère dans la glace, et son coeur se serrait de tristesse. Ainsi il avait tout ce qu'il lui fallait sur cette île, de quoi boire et manger, une maison, un lit pour dormir, mais pour sourire, personne, et son visage en était comme glace.

C'est alors que ses yeux s'abaissèrent vers Tenn. Robinson rêvait-il? Le chien était en train de lui sourire! D'un seul côté de sa gueule, sa lèvre noire se soulevait et découvrait une double rangée de crocs. En même temps, il inclinait drôlement la tête sur le côté, et ses yeux couleurs de noisette se plissaient d'ironie. Robinson saisit à deux mains la grosse tête velue, et ses paupières se mouillèrent d'émotion, cependant qu'un tremblement imperceptible faisait bouger les commissures de ses lèvres. Tenn faisait toujours sa grimace, et Robinson le regardait passionnément pour réapprendre à sourire.

Désormais, ce fut comme un jeu entre eux. Tout à coup, Robinson interrompait son travail, ou sa chasse, ou sa promenade sur la grève, et il fixait Tenn  d'une certaine  façon. Et le chien lui souriait à sa manière, cependant que le visage de Robinson redevenait souple, humain et souriait peu à peu à son tour.»

[Vendredi au vie sauvage, Michel Tournier]

--- TRADUCTION ---

Robinson nunca había sido coqueto y, en especial, detestaba mirarse en los espejos. Sin embargo, hacía tanto tiempo que esto no sucedía que un buen día, al sacar un espejo de uno de los cofres de "la Virginie", quedó inmensamente asombrado al contemplar su rostro. A pesar de todo no había cambiado tanto, sino fuera porque su barba había crecido y porque numerosas arrugas nuevas surcaban su piel. Sin embargo, lo que más le inquietaba era el aspecto tan grave que había adquirido, una especie de tristeza que no le abandonaba jamás. Intentó sonreír. Entonces experimentó un sobresalto al darse cuenta que no lo conseguía. Por más que se esforzaba, por más que intentaba a toda costa plegar sus ojos y elevar las comisuras de sus labios, todo era imposible, había olvidado como sonreír. Ahora tenía la sensación de tener la cara de madera, una máscara inmóvil, petrificada en una expresión alicaída. A fuerza de reflexionar, terminó por comprender lo que le pasaba. Todo era debido a su soledad., Había pasado demasiado tiempo sin tener a nadie a quien sonreír, y por eso ya no sabía hacerlo; cuando quería sonreír, sus músculos no le obedecían. Y así continuó observándose con un aire grave y severo, y su corazón se oprimía de tristeza. Ciertamente tenía todo lo que podía necesitar en la isla, bebida, comida, una casa, una cama para dormir, pero para sonreír, no tenía a nadie, y su  cara se había congelado.

Entonces, sus ojos se dirigieron hacia Tenn. ¿Estaba soñando? ¡El perro le estaba sonriendo! Desde uno de los lados de su hocico, su labio negro se levantaba y dejaba al descubierto una hilera doble de colmillos. Al mismo tiempo inclinaba graciosamente la cabeza hacia un lado, y sus ojos color avellana se plegaban de ironía. Robinson  se aferró con las dos manos a esa gruesa cabezota peluda, y sus párpados se humedecieron de emoción, al mismo tiempo que un imperceptible tremor hacía mover las comisuras de sus labios. Tenn persistía en su mueca y Robinson le miraba apasionadamente, aprendiendo de nuevo a sonreír.

En adelante, esto se convirtió en un juego entre ellos. De repente, Robinson interrumpía su trabajo, o su caza, o su paseo sobre la playa, y entonces miraba a Tenn de una manera especial. Y el perro le sonreía a su manera, mientras que el rostro de Robinson se volvía poco a poco más dócil, más humano y poco a poco, comenzaba a sonreír.

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