Menú

martes, 26 de abril de 2022

IL N'Y A PLUS D'ESPOIR IV

 Ce soir de juin, le bitume semblait fondre, se mêler à la poussière, aux odeurs de cheval et d'essence d'auto. Edward s'était tubé; il avait mis pour la première fois un costume gris aux reflets bleus, très ajusté. Il se sentait mieux, s'efforçait d'attiser cette étincelle de vie qu'il sentait en lui ce soir-là: il soufflait dessus; il imaginait une aventure, une rencontre, quelque chose qui l'insérerait de nouveau dans la vie. A la terrasse du Fouquet's, il échangea quelques saluts et donna même la main à un camarade malheureusement accompagné d'une dame, il se fût bien accroché à lui. Tout de même, Edward but son cocktail avec un parti pris d'optimisme. Sans doute, la rentrée solitaire chez lui, après une soirée décevante, il ne l'imaginait même pas. A cet instant, une soirée occupée d'un espoir de rencontre lui apparaissait toute une existence à épuiser: un malade, pour subsister, se nourrit d'un rien; à ce noyé, une branche suffit pour qu'il surnage. Vers huit heures, Edward eut faim. Voici longtemps qu'il ne s'était senti de l'appétit. Il résolut de dîner selon son goût au restaurant italien de l'avenue Matignon. Il marchait légèrement. Cette étreinte à sa nuque d'une main invisible s'était desserrée. Son ennemi lui laissait le champ libre. La marche ne lui était plus un effort. Aucune gêne dans ses jambes ni dans ses bras; plus rien de cette lassitude qui le jetait, des journées entières, sur son divan, perclus autant qu'un paralytique. Il se sentit réellement un jeune homme comme les autres jeunes gens, et sourit à une ouvrière qui s'était retournée. Ah! il eût dû se souvenir de ce supplice de l'espérance qu'imagine Villiers, du prisonnier trouvant la porte ouverte, le corridor libre, la cour sans gardien et qui, fou de délivrance, atteint la porte dernière où son persécuteur l'attend et lui sourit.

[La chair et le sang, François Mauriac]

--- TRADUCTION ---

YA NO HAY ESPERANZA IV

  Aquella tarde de junio, el asfalto parecía fundirse con el polvo, con el olor de los caballos y la gasolina. Edward se había almidonado por completo; había estrenado un traje gris con reflejos azules, muy ajustado. Se sentía mejor, se esforzaba por avivar esa chispa vital que lo envolvía aquella tarde: Se dejaba confortar por ella; fantaseaba con una aventura, un encuentro, cualquier cosa que lo devolviera de nuevo a la vida. En la terraza del Fouquet, intercambió algunos saludos, incluso le dio la mano a un amigo suyo que, para su pesar, se encontraba acompañado de una señorita, de lo contrario se habría enganchado a él. Aún así, Edward tomó su cóctel con un leve optimismo. Desde luego, no le cabía en la cabeza el solitario regreso a su casa después de un velada decepcionante. Por el momento una única velada imbuida con la esperanza de un encuentro se presentaba ante sus ojos como una vida entera que malgastar: un enfermo, para subsistir, se alimenta de casi nada; a nuestro ahogado le bastaba una rama para flotar. Hacia las ocho, Edward sintió hambre. Había pasado ya mucho tiempo desde que había perdido el apetito. Decidió cenar, a su gusto, en el restaurante italiano de la avenida ' Magtinon'. Marchaba a paso ligero. Se había disipado la sensación en su nuca de una mano invisible que lo estrangulaba. Su enemigo le dejaba vía libre. Avanzar ya no le resultaba un esfuerzo. Ninguna molestia en sus piernas ni en sus brazos; ya no quedaba nada de esa lasitud que lo dejaba postrado en el sofá durante días enteros marginado como un paralítico. Se sentía como un hombre en plena juventud, como el resto de los jóvenes, y sonrió a una joven obrera que se había vuelto para mirarlo. ¡Ah!, debería haberse acordado de ese suplicio de la esperanza que imaginaba Villiers, del prisionero que, habiendo encontrado la puerta abierta, el pasillo libre, el patio sin guardianes, loco de libertad, alcanza la última puerta donde lo espera sonriendo su perseguidor.

[La chair et le sang, François Mauriac]